Wordline, les dessous d’un naufrage
© Gonzalo fuentes/Reuters
De quoi on parle ?
Worldline, l’un des fleurons français du paiement numérique, s’effondre. Le groupe a perdu 38 % en Bourse en une journée, le 25 juin, après la publication d’une enquête coordonnée par le réseau European Investigative Collaborations. Le rapport, relayé par Mediapart, Der Spiegel ou encore Le Soir, révèle que l’entreprise aurait entretenu des relations commerciales avec des clients dits « à haut risque », liés à la pornographie, aux jeux d’argent, voire à la prostitution.
Pourquoi c’est important ?
Ce scandale pose deux problèmes majeurs : un risque réputationnel immédiat et un doute profond sur la gouvernance du groupe. L’affaire rappelle le cas Wirecard, cette fintech allemande disparue en 2020 après avoir masqué un trou de 2 milliards d’euros dans ses comptes. À la différence près que Worldline n’est pas accusée de fraude comptable, mais de stratégie trouble pour contourner les règles : l’entreprise aurait transféré certains de ces clients à sa filiale suédoise après une alerte de Visa.
Ce que dit Worldline ?
L’entreprise reconnaît avoir travaillé avec ces clients, mais affirme avoir fait le tri depuis l’automne 2023, après un signalement de la BaFin, le régulateur allemand. Elle annonce avoir coupé les liens commerciaux non conformes (environ 130 millions d’euros de chiffre d’affaires perdus) et affirme que seuls 1,5 % de ses volumes de transactions sont encore liés à ces clients « à surveiller ».
Le message est clair : désormais, c’est tolérance zéro.
Le vrai sujet : la gouvernance
Ce n’est pas la première alerte. Le départ du directeur général Gilles Grapinet en 2024 avait déjà mis en lumière des tensions internes. Porté par une stratégie agressive d’acquisitions (notamment Ingenico en 2020), le groupe a longtemps voulu rivaliser avec les géants américains. Mais à trop vouloir grossir, Worldline a perdu de vue l’essentiel : le contrôle. L’enquête du jour est donc moins un accident qu’un symptôme.
Pour finir.
Pour les actionnaires, dont le Crédit Agricole (7 % du capital), le choc est rude. Même si les montants en jeu sont limités (4,6 milliards de chiffre d’affaires en 2024), c’est la solidité de l’ensemble du modèle qui est remise en cause. Worldline a perdu 93 % de sa valeur en deux ans. Et dans les esprits, le parallèle avec la chute d’Atos, sa maison mère historique, s’impose de plus en plus.