Israël-Iran : la flambée du baril ravive le spectre d’un choc énergétique
© Ali Mohammadi/Bloomberg
De quoi on parle ?
Dans la nuit du 12 au 13 juin, Israël a mené une série de frappes contre des sites militaires, nucléaires et balistiques en Iran. Dès le lendemain, l’Iran a lancé plus d’une centaine de drones et missiles en représailles, visant le centre et le sud du territoire israélien. Bien que les installations pétrolières iraniennes n’aient pas été endommagées, l’effet immédiat s’est fait sentir sur les marchés : le baril de Brent a bondi de plus de 10 %, atteignant 78,50 dollars, et celui du WTI a franchi les 75 dollars. Il s’agit de la plus forte hausse en une seule journée depuis 2019, selon S&P Global.
Pourquoi c'est important ?
Si l’Iran représente « seulement » 5 % de l’offre pétrolière mondiale, il occupe une position géostratégique clé : celle du détroit d’Ormuz. Ce passage maritime, qu’il contrôle en partie, concentre à lui seul environ 20 % du trafic pétrolier mondial, soit jusqu’à 18 millions de barils par jour. En cas d’escalade, une fermeture du détroit gèlerait non seulement les exportations iraniennes, mais aussi celles du Koweït, du Qatar, d’Oman et d’une large partie de l’Irak. Selon plusieurs analystes, un tel blocage pourrait faire grimper les prix du Brent à 100 dollars, voire au-delà. Le coût du transport maritime a déjà été impacté : les assureurs et courtiers signalent une flambée des primes de risque dans le Golfe.
Ce que ça change.
La hausse actuelle des cours ne reflète pas une pénurie physique, mais une prime de risque géopolitique. Et cette dernière pourrait s’installer. Car au-delà du pétrole, les marchés s’inquiètent de la dégradation du contexte diplomatique. Les discussions prévues entre Washington et Téhéran sur le nucléaire ont été suspendues. L’administration Trump a renforcé ses sanctions contre la République islamique, tout en affirmant son soutien total à Israël. En Europe, les responsables politiques craignent une flambée durable des prix de l’énergie alors que la désinflation restait fragile. Un nouveau choc énergétique viendrait compliquer la trajectoire des banques centrales, notamment celle de la BCE, qui doit décider de la suite du cycle de baisse des taux entamé en juin.
Pour les entreprises industrielles et les compagnies aériennes, un baril au-dessus de 90 dollars réactive le risque d’érosion des marges. L’aviation civile, déjà sous pression, voit ses coûts de carburant s’envoler. Côté Bourses, les valeurs défensives (or, défense, énergie) se redressent, tandis que les secteurs cycliques ou énergivores corrigent.
Pour finir.
Le retour du risque géopolitique sur les marchés pétroliers n’est pas anecdotique. Il survient dans un contexte global déjà instable, où les marges de manœuvre monétaires sont réduites, et où les fragilités budgétaires se creusent. La question n’est plus de savoir si le pétrole va devenir cher, mais si l’instabilité au Moyen-Orient peut déclencher un choc de confiance plus large. En attendant, les investisseurs, les gouvernements et les banques centrales doivent composer avec une donnée qui semblait oubliée depuis 2022 : la géopolitique est de retour, et elle s’écrit au prix du baril.