Exportations d’armes françaises : un business stratégique aux milliards bien comptés

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De quoi on parle ? 

En 2024, la France a exporté pour plus de 18 milliards d’euros d’armement, un record qui traduit la montée en puissance d’une filière déjà installée au plus haut niveau mondial. Avec 9,6 % des exportations globales sur la période 2020-2024, l’Hexagone s’impose désormais comme le deuxième exportateur d’armes derrière les États-Unis, très loin devant avec 43 % du marché, et devant la Russie, tombée à 7,8 %. En dix ans, les exportations françaises ont presque quadruplé, portées par le succès du Rafale et la demande croissante des pays d’Asie, du Moyen-Orient et, plus récemment, d’Europe.

Une industrie de poids dans l’économie

Cet essor ne se traduit pas seulement dans les statistiques internationales. L’industrie de défense pèse environ 1 % du commerce extérieur français et emploie directement ou indirectement près de 200 000 personnes. Elle rassemble des géants comme Dassault Aviation, Thalès, Naval Group, MBDA ou Airbus, mais aussi un tissu dense de PME qui alimentent la chaîne de valeur. Le carnet de commandes atteint désormais 50 milliards d’euros pour Thalès et 43 milliards pour Dassault Aviation, preuve que la dynamique actuelle s’inscrit dans le long terme.

Des clients stratégiques

L’Inde reste le premier client de la France, représentant près de 30 % de ses ventes, suivie du Qatar, de la Grèce, de la Croatie et, depuis 2022, de l’Ukraine. Au total, 65 États ont acheté du matériel français entre 2020 et 2024. Les contrats portent sur une large gamme : avions de chasse, sous-marins, frégates, missiles, systèmes électroniques et véhicules blindés. Exporter un Rafale ou un sous-marin n’est pas une opération purement commerciale : cela engage des formations de pilotes, la maintenance des appareils et des transferts de technologies sensibles. Ces ventes sont donc indissociables des choix diplomatiques et stratégiques de la France.

L’État au cœur des négociations

L’État joue ici un rôle déterminant. Les grands contrats d’armement sont négociés au plus haut niveau politique, souvent avec l’appui direct du président. Les garanties publiques et le soutien financier complètent un écosystème où diplomatie et industrie avancent de concert. Ce couplage entre puissance publique et intérêts industriels permet à la France de renforcer sa souveraineté économique et son influence internationale.

Des critiques récurrentes

Ce tableau flatteur ne doit cependant pas occulter les critiques. La France continue d’exporter vers des pays accusés de violations des droits humains, comme l’Arabie saoudite ou l’Égypte, ce qui suscite des débats récurrents. Les défenseurs du secteur soulignent que ces contrats assurent des emplois stratégiques et permettent à l’Europe de réduire sa dépendance aux importations américaines, tandis que les opposants rappellent que derrière les milliards s’expriment des choix politiques et éthiques lourds de conséquences.

Pour finir. 

Les exportations d’armes françaises ne pèsent qu’une part limitée dans le commerce extérieur, mais leur importance est disproportionnée sur le plan stratégique. Elles génèrent des revenus, stimulent l’innovation, et surtout, elles redessinent les alliances et renforcent le poids diplomatique de la France. L’industrie de défense illustre ainsi la tension permanente entre intérêts économiques, autonomie stratégique et responsabilités internationales.

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